Le Tour est maintenant terminé ; avant de se dire au revoir, le moment est venu de faire quelques bilans ! Aujourd'hui, prenons un peu de recul sur les 3 semaines écoulées.
Le Tour 2012 de Valverde (20e du classement final à 42'26" de Wiggins) peut se découper de 3 façons :
● Une poisse sans nom en première semaine, qui a forcé Alejandro à revoir ses ambitions à la baisse, ou du moins à oublier son objectif de podium. Suite à cela, Alejandro a été atteint par ce que j'appelle le syndrome Moncoutié : la peur des chutes et de la nervosité en général, qui l'a conduit a préféré rester dans les dernières positions du peloton, là où il se sentait le plus à l'aise. C'est ce que raconte Sergi Lopez qui a couvert le Tour pour El Periodico : les autres coureurs ont dit de lui qu'il était devenu peureux. Il n'était plus le Valverde de d'habitude (il ne l'est redevenu qu'en 3e semaine). Un exemple parlant est celui de l'étape du 14 juillet, au cap d'Agde, où il perd 14 minutes (!) sur une cassure, et où il dit à l'arrivée qu'il "n'a pas insisté davantage" lorsqu'il a vu qu'il était piégé. Le général, il l'avait bel et bien laissé tomber ; d'où sa non-envie de se battre pour être sans cesse parmi les premières positions du peloton.
● A la fin de la 1ere semaine est arrivé (du moins c'est mon impression) un temps avec une baisse de moral, heureusement assez courte (du week-end du Jura au début des Alpes, dirais-je, donc quelques jours), avant ensuite un regain d'optimisme. A mon avis, le jour où son moral fut au plus bas fut le soir de l'étape de Porrentruy, qui venait couronner 3 jours de malheurs (2 chutes et une cassure le vendredi ; une crevaison le samedi juste avant La Planche des Belles Filles ; et une forte chute le dimanche où il est, qui-plus-est, tombé involontairement sur son ami S.Sanchez qui se fracture la clavicule). Alejandro a eu besoin de soutien, surtout après cet épisode avec S.Sanchez, afin qu'il ne rentre pas illico à Murcie, lassé d'un tel gâchis sur ce Tour. Il dit qu'il n'a jamais pensé à abandonner, mais je crois tout de même que tous les messages d'encouragement qu'il a reçu ont contribué à le motiver et in fine ont joué un rôle dans sa victoire à Peyragudes. Pedro Delgado, avec qui il s'est longuement entretenu lors de la 1ere journée de repos, l'a ensuite bombardé de messages sur son portable (en lui donnant des conseils, en particulier). Pascale Schyns, traductrice officielle du Tour mais surtout son attachée de presse, a fait de même, notamment en transmettant notre message groupé qui a touché Alejandro. Du reste, c'est lui, de tout le peloton, qui a reçu le plus de courriers en première partie de Tour, largement devant le 2e d'ailleurs. Tout cela a compté, c'est évident.
● Plus ou moins parallèlement à cet aspect psychologique, Alejandro a, enfin, connu une période où son niveau physique est allé crescendo (quoique irrégulièrement), comme il l'avait prévu, en fait. Sur la 1ere étape des Alpes (celle du Grand Colombier), il a tenu le rythme des 10 meilleurs : ce fut la 1ere note optimiste de son Tour. Le lendemain (l'étape de La Toussuire), il s'est montré très costaud en démarrant comme une bombe dans la Madeleine, mais de façon surprenante il s'est fait lâché dans la Croix de Fer au train par le groupe d'échappé mené par Kern. Enfin, lors de l'étape suivante, après avoir tenté de s'échapper à nouveau, il se fait décramponner dans le col de Granier (1ere cat.) alors que le peloton comportait encore une bonne quinzaine de coureurs, signe qu'il était encore loin de son meilleur niveau. En fait, ses sensations n'étaient pas mauvaises dans les Alpes, elles étaient simplement trop irrégulières ; elles sont devenues franchement meilleures dans les Pyrénées, où il est parvenu à suivre les favoris en montagne. Lors de la grande étape Aubisque-Aspin-Tourmalet-Peyresoudres, il a fait très bonne impression en figurant au sein du petit groupe Van den Broeck, juste derrière le trio composé des deux Sky et de Nibali. Pour la 1ere fois depuis son retour, il montre alors sur une très grande course qu'il a encore le niveau des meilleurs en montagne (pas le niveau de Wiggins et Froome, mais juste derrière). Enfin, comme vous le savez, il brille le lendemain avec une superbe échappée, en attaquant dans le Port de Balès où il décramponne tous ses rivaux et résistant à l'assaut des Sky dans la montée finale pour finalement lever les bras avec quelques secondes d'avance (ouf...). "Une des trois plus belles victoires de ma carrière, à côté de Courchevel en 2005 et de celle du Willunga cette année" dit-il.
A ces trois points, j'en ajouterais un 4e : l'offensive.
Ses déboires dans la première partie du Tour l'ont amené à adopter un comportement dont il n'a pas l'habitude (et qu'il avait même écarté avant le départ du Tour dans les interviews, en disant que ça n'était pas profitable !) : prendre les échappées en montagne. Il a essayé à plusieurs reprises : d'abord à Porrentruy (les Sky ont refusé de le laisser partir), puis lors de la 11e étape où s'il envole dans la Madeleine (avant de lâcher dans la Croix de Fer), ensuite deux fois le lendemain dans le col du Cucheron avec Costa (nouveau refus des Sky), et enfin le jour de sa victoire à Peyragudes. De ses 4 tentatives, 2 ont fonctionné au début, et parmi celles-ci, 1 a réussi jusqu'à la fin, la dernière.
Finalement, même si ça n'était pas forcément le comportement qu'il imagineait avoir, Alejandro a donc été offensif sur ce Tour, en nous gratifiant de belles perfs : on retiendra par exemple son attaque dans la Madeleine, tranchante, percutante, efficace. Exactement dans le même style que celle du Ventoux sur le Dauphiné 2009.
Il a couru avec panache, avec les jambes qu'il avait, c'est à dire irrégulièrement bonnes. On peut le féliciter, car il n'a pas cédé à la solution de la facilité, qui aurait été soit d'abandonner, soit de baisser les bras une fois le top 5 hors d'atteinte. Il s'est battu, n'a pas renoncé même après avoir été rembarré par les Sky à plusieurs reprises, et ça a payé au bout du compte. Grâce à sa détermination, il a sauvé son Tour ! Du reste, il termine 5e du classement du meilleur grimpeur ; intéressant pour l'avenir.
Un mental de champion même après des moments difficiles ; une classe sur le vélo qu'il a encore déployée lors de l'étape de Peyragudes, que ce soit dans les deux dernières ascensions ou dans les descentes ; ne manque plus qu'un peu plus de constance au haut niveau en montagne, et ça y est, on pourra définitivement proclamer le grand retour de la Balaverde.