Le principe : Alejandro ayant presque neufs saisons professionnelles derrière lui, je vous propose de revivre les 10 meilleurs moments de sa première partie de carrière, choisis par moi-même (de façon subjective, obligatoirement), dans l'ordre décroissant, pour préserver le suspens ...!
Aujourd'hui, le meilleur moment : la 10e étape du Tour de France 2005
"Nous allons voir de quoi il est capable" : pour Eusebio Unzue, manager de l'équipe Iles Baléares, la première participation au Tour de sa nouvelle pépite, Alejandro Valverde, sonne comme un véritable test. Où se situent ses limites ? Sera-t-il capable de se frotter aux meilleurs en montagne ? Jusqu'ici, il a fait forte impression sur la Vuelta, qu'il a disputé les deux années précédentes, mais l'expérimenté Unzue le sait bien : le fossé entre les deux épreuves n'est pas négligeable. Et puis, Alejandro, qui vient du reste d'abandonner le Tour de Suisse pour cause de fièvre (mais rien de grave, prévient-il, les sensations sont très bonnes) est encore jeune (25 ans). Il doit donc découvrir la Grande Boucle sereinement, sans trop de pression, même si ses performances seront suivies de près...Alejandro entame donc le Tour avec un double-objectif : aider son leader, Mancebo, à atteindre une bonne place au général ; et si possible gagner une étape.
Courchevel, terme de la 10e étape, constitue la première arrivée au sommet. Tous les favoris l'ont coché, car la première étape de haute montagne est toujours décisive. Alejandro est d'ailleurs allé reconnaître avant le Tour les deux ascensions du jour, le Cormet de Roselend et la montée finale. Avait-il une idée derrière la tête ? Toujours est-il qu'en ce mardi 12 juillet, il démarre dans la première des deux ascensions, et rejoint un groupe de quelques fugitifs qui viennent également d'attaquer, parmi lesquels Garzelli, Pereiro, Horner, Sevilla, ainsi que son leader Mancebo. Mais la tentative avorte : la Discovery Channel d'Armstrong veille au grain. Dans la descente, ensuite, puis surtout au début de la montée finale vers Courchevel, elle accélère le rythme. L'écrémage commence. Et ça fait mal ! Peu à peu, presque tous les adversaires d'Armstrong perdent pied : Vinokourov, Mayo, Heras, Botero, Menchov, puis Ulrich, le grand rival du Texan. Enfin, les derniers récalcitrants, Evans et Basso, lâchent prise. Mais Valverde est toujours là, aux côtés d'Armstrong, ainsi que Mancebo et Rasmussen.
Ce qu'il fait est énorme pour un néophyte : il tient bon aux tout meilleurs grimpeurs du monde, suit la cadence du Boss, multiple vainqueur du Tour, et se paye le luxe, pour sa première confrontation avec les favoris du Tour, d'être supérieur à tous les outsiders dont Ulrich, qui n'est pas le premier venu. Nos pensées se bousculent : Alejandro est-il à la limite ? Il sert les dents mais a le coup de pédale plus facile que son leader Mancebo. Le mieux pour lui serait peut-être qu'il n'y ai pas d'attaques, en particulier d'Armstrong, car il se ferait lâcher et peut-être ensuite rattraper par d'autres coureurs derrière. Fort heureusement, les 4 hommes de tête collaborent pour accuenter leur avance. Voilà une seconde bonne nouvelle : Alejandro devrait revêtir à l'issue de l'étape le maillot blanc, et faire une jolie remontée au général ! Mais peu à peu, les kilomètres défilant, et l'arrivée se rapprochant, on commence à penser à plus grand. Et si Valverde gagnait l'étape au sprint ? Après tout, s'il a tenu le choc jusqu'ici, il pourrait bien résister encore jusqu'à l'arrivée ; or, des quatre, c'est le meilleur sprinter intrinsèque...Et puis, il semble vraiment avoir les jambes, aujourd'hui. Il a l'air même dans la forme de sa vie ! Flamme rouge ! La tension est à son comble. Armstrong va-t-il porter le coup final à ses derniers adversaires ? Non, c'est Rasmussen qui démarre ! Il est vrai que le Danois n'a pas ses chances au sprint. Mais il ne creuse pas l'écart, et le groupe se reconstitue. Petit moment de flottement. Ouf, Valverde a tenu bon. Aïe aïe, voilà Armstrong qui accélère ! Une attaque franche qui fait mal...et Valverde y va ! Il est le seul à prendre la roue du Texan et les deux s'envolent vers l'arrivée ; plus le temps de réfléchir, il faut tout donner. Le dernier virage, Armstrong lance le sprint, Valverde s'accroche, il le déborde, il le dépasse, et lève les bras, c'est fantastique !! La Balaverde s'impose devant le meilleur coureur du monde, le cannibale du Tour de France, jamais battu à la pédale en montagne sur le Tour, mis à part par Pantani au Ventoux en 2000 [en 2004, Armstrong a offert une étape à Basso] ! Enorme cri de joie devant des dizaines de télévision. Enorme émotion, absolument dingue pour ceux qui suivent et supportent El Imbatido ! C'est au-dessus de nos plus folles espérances. Quel exploit inimaginable, impensable quelques heures auparavant ! Armstrong lui-même félicite à l'arrivée ce nouveau champion (cette poignée de mains, serait-ce une passation de pouvoir ?!), dont le public, ébloui, vient de faire la connaissance, et dont les limites, plus-que-jamais, nous semblent inconnues. Une malheureuse blessure au genou le conduit quelques jours après à quitter la course, mais il reviendra. Et se fixe dès lors l'objectif du maillot jaune, l'objectif de sa carrière.
INFO : Pour prendre toute la mesure de l'exploit de Valverde, il faut comparer son temps à ceux établis précédemment. En 1997, Virenque avait grimpé la montée en 48'50" ; en 2000, Pantani avait réalisé un temps de 43'36" ; eh bien en 2005, Alejandro a battu le record (qu'il détient toujours) en avalant le col en 42'30".
La réaction de Valverde après sa victoire : "J'ai atteint mon rêve sur ce Tour de France, gagner une étape. J'ai du mal à exprimer ce que je ressens après cette victoire. C'est mon plus beau succès. Je me suis accroché pour la victoire d'étape. Le sprint a été très dur: Rasmussen a démarré, j'ai pris la roue, puis Lance est parti vite et j'ai réussi à prendre sa roue. J'ai été sur le point de lâcher prise mais j'ai tenu. Ce qui m'a donné la force de passer, c'est de sentir que j'allais avoir une émotion pareille en gagnant. Pour la suite, Mancebo reste le leader indiscutable de l'équipe, il est très fort. On va voir ce qu'on peut faire pour contrer Armstrong. Mais de toute évidence, il a l'air d'être aussi fort que lors des années précédentes".
Armstrong à propos de Valverde : "Tout le monde a pu voir aujourd'hui où se trouvait l'avenir du cyclisme.Valverde est vraiment impressionnant. Il est rapide, il est intelligent, il est patient. A la différence de ces gars qui font des coups d'un jour puis disparaissent, lui est là depuis le début."