Le principe : Je vous propose de revivre les 10 meilleurs moments de la première partie de carrière de Valverde, choisis par moi-même (de façon subjective, obligatoirement), dans l'ordre décroissant, pour préserver le suspens ...!
Aujourd'hui, le 5e meilleur moment : la 1ere étape du Tour de France 2008
Dès la présentation du Tour 2008, on avait coché cette 1ere étape. Arrivée en côte à Plumelec, pas de prologue la veille : l'occasion était idéale pour Valverde de gagner et de s'emparer de la tunique jaune. Lui, le meilleur puncheur du peloton, était également très bon sprinter ; même dans le cas, improbable, où un concurrent réussirait à suivre sa roue dans la côte, le Murcian lui serait supérieur au sprint. Dans ces conditions, comment aurait-il pu perdre ?
De surcroît, après une année 2007 peu fructueuse - malgré de multiples places d'honneur - l'espagnol de la Caisse d'Epargne était redevenu un gagneur depuis le début de saison (le meilleur de sa carrière jusque là - désormais, celui de 2010 l'a détrôné) : après un Paris/Camembert judicieusement couru, et remporté, ce qui a servi de déclic (Alejandro n'avait plus levé les bras sur une course en ligne depuis un an et demi), Valverde est redevenu El Imbatido, que ce soit à Liège/Bastogne/Liège, où s'impose pour la deuxième fois, au Dauphiné Libéré, où il réalise une razzia sur tous les terrains (victoires sur la 1ere étape, en ligne, sur le chrono et au classement général grâce à ses très bonnes performances en montagne), ou au Championnat d'Espagne, quelques jours avant le départ du Tour. Cette dernière victoire avait d'ailleurs une saveur particulière et était révélatrice : jusqu'ici, Valverde n'avait jamais réussi à devenir champion d'Espagne professionnel malgré de multiples tentatives. Bref, en cette année 2008, tout ce que touchait Valverde se transformait en or. Et ça tombe bien, c'est justement la couleur du maillot de leader du Tour de France.
Au départ de la 1ere étape, si Alejandro a la faveur d'une bonne partie des pronostics, c'est l'Italien Ricco qui attire le plus l'attention. Il a mis le feu au Giro, en mai dernier, et arrive sur le Tour avec une motivation encore intacte. A l'arrivée de l'étape (dont il termine 5e), il expliquera sa "non-victoire" par un incident mécanique produit dans le dernier kilomètre. "Sans cela, j'aurais gagné" affirme-t-il. Trop sûr de lui, le Ricco ? La suite du Tour lui donne malheureusement raison : à Super-Besse, sur une arrivée également idéale pour Valverde, l'Italien n'est victime d'aucun pépin et devance Alejandro sur son terrain. Mais Ricco, on l'apprendra plus tard, était dopé à la CERA et n'aurait donc pas dû gagner ce jour là. Après coup, on ne peut donc que se féliciter de l'incident dont a été victime l'Italien à Plumelec ; qui sait si Valverde n'a pas évité, lors de cette 1ere étape, une autre injustice ?
Il n'est toutefois pas dit que Ricco, même dopé, aurait pu battre Alejandro en ce samedi 5 juillet. Ce dernier a paru en effet si fort, si explosif, si au-dessus des autres dans la côte finale de Cadoudal qu'il est difficile d'imaginer qu'il aurait pu être devancé. Et pas de doute le concernant ! Valverde, sur les arrivées de ce genre, a fait ses preuves ; d'ailleurs, moins d'un mois auparavant, il avait gagné la 1ere étape du Dauphiné qui se terminait en montée. C'est donc tout sauf une surprise de le voir marquer de son empreinte le Grand Départ de ce Tour.
On a pourtant eu une petite frayeur, à 700 mètres de la ligne. Schumacher venait de sortir après la flamme rouge et le peloton avait dû mal à boucher la cinquantaine de mètres qui le séparait de l'Allemand. Sur France Télé, Thierry Adam commençait déjà à enterrer le peloton ("C'est fini, c'est mort") mais l'oeil attentif de Laurent Fignon fit remarquer qu'on était encore assez loin, que "derrière ça revient", et surtout, que "Valverde bien placé là-bas, il va faire le sprint, je l'ai vu ! Vous allez voir...". Bien vu Laurent. Schumacher repris, c'est Kirchen qui tenta de sortir, mais Alejandro était à l'affut, en danseuse parmi les cinq premières positions du peloton, et déjà, n'importe quel suiveur de cyclisme aurait dû se rendre compte, à ce moment là, qu'il n'y avait plus de suspens. "Ouh lala, vous allez voir Valverde quand il va sortir..." : Fignon ne croyait pas si bien dire ! A moins de 400 mètres de la ligne, à l'entame du dernier virage, Alejandro regarda sur sa droite, vu qu'il pouvait s'en aller, et s'en alla. "Attention Valverde qui sort, il sort bien !" Un démarrage foudroyant, et voilà la Balaverde lancée, parti à la conquête de la victoire et du maillot jaune. "Regardez la vitesse à laquelle Valverde revient, regardez c'est fantastique !" s'extasiait le commentateur. En deux coups de pédales, Kirchen, qui avait tenté sa chance quelques instants plus tôt, était repris, puis doublé, littéralement déposé par Valverde.
"Un ton au-dessus de tout le monde !" Quel différence de style entre l'espagnol, qui dégageait une incroyable impression d'explosivité, et ses poursuivants, grimaçants, dont les vélos semblaient peser 10 kg de plus que le sien ! Ils avaient beau les agiter de toutes leurs forces de droite à gauche, rien n'y faisait ; le Champion d'Espagne, d'une facilité déconcertante, faisait corps avec sa machine et virevoltait devant avec majesté. "C'est fini, oulala, il va même mettre deux ou trois secondes à tout le monde !". La foule était conquise, les clameurs atteignirent leur paroxysme, et je senti alors la chair de poule me gagner, moi qui était juste derrière la ligne en compagnie d'autres suiveurs épatés comme tous par tant de classe. Le maestro leva les bras, et ce fut l'apothéose, un feu d'artifice de banderoles jaunes qui s'agitèrent dans le public en délire, de part et d'autre de la route, qui constituait un formidable décor pour la victoire d'un formidable vainqueur, dont le vélo jaune et rouge "Prince of Spain" s'accordait à merveille avec les spectateurs. Une harmonie parfaite, une alchimie ultime entre la foule et Alejandro s'était crée, et ce moment sembla durer toujours, Valverde hurlant de joie et de rage, la bouche grande ouverte, les bras levés, les muscles tendus et les poing serrés, et la foule exultant, consciente d'assister à la victoire d'un Grand. Mais il fallut bien que le vainqueur se rabaisse sur sa machine et passe la ligne, et le fil harmonieux se rompit brusquement. Je vis le Murcian passer comme une flèche ; les photographes commençait déjà à s'agglutiner autour de lui. Valverde était Maillot jaune.
Les 5 derniers kilomètres en vidéo :
(autre lien, en espagnol)