L'affaire Puerto, késako ?
Ce qui est souvent appelé "affaire Puerto" ou "opération Puerto" (OP, pour les intimes) est un vaste scandale de dopage sanguin, révélé en juin 2006 mais qui continue, vous l'aurez compris, de causer des remous trois ans après. Contrairement à ce que les médias laissent entendre, le cyclisme n'est pas le seul sport touché (le football ainsi que le tennis sont concernés), mais sans surprise, c'est le seul à payer.
Parmi les coureurs impliqués dans l'affaire figurent Ivan Basso, de retour cette année après deux ans de suspension, Jan Ulrich, qui a arrêté sa carrière, Francisco Mancebo, qui court actuellement pour Rock Racing (il a d'ailleurs remporté le Tour des Asturies cette saison), etc. Alberto Contador a d'ailleurs été un temps officiellement nommé par l'UCI(1), avant d'être blanchi peu après par, devinez qui !, la justice espagnole...
Pour en savoir plus :
* Chronologie de l'affaire (jusqu'en mai 2007)
* Toutes les news sur l'affaire (à jour)
* Les sportifs concernés
* L'Espagne et le dopage : une affaire d'Etat ?
Ainsi, Valverde serait... ?
Eh bien...il semblerait, du moins selon l'UCI et le CONI. On ne peut rien affirmer, présomption d'innocence oblige, cependant il y a un fait assez troublant : le nom de code de la poche de sang n°18 trouvé chez le docteur Fuentes (au centre de l'affaire) porte le nom de "Valv (Piti)". Piti étant le nom du chien (ex-chien ?) de Valverde, certains n'ont pas mis longtemps avant d'associer cette poche, où il a été trouvé de l'EPO, à Alejandro.
Paradoxalement, alors que les "gros poissons" tombent dès la révélation de l'affaire, Valverde, lui, continue à courir malgré les soupçons. En fait, cela s'explique par le fait que l'Espagne, et en particulier la RFEC(2), soutient et protège ses coureurs, plus que les autres pays. Ce n'est que fin 2007, à l'approche du Mondial, qu'Alejandro est inquiété véritablement pour la 1ere fois : l'UCI interdit l'espagnol de participer au Mondial, du fait de sa présumée implication dans l'OP. Valverde décide d'aller voir le TAS(3), qui statue en sa faveur : le juge espagnol Serrano, en charge de l'affaire Puerto, ne voulant pas transmettre la poche de sang attribuée à Valverde, il est impossible de faire une comparaison avec l'ADN du murcian (qui avait fait savoir qu'il était prêt à donner son ADN). Ca ira pour cette fois, mais le TAS n'a pas dis son dernier mot. Moins d'un an plus tard, il revient à la charge : le 11 juillet 2008, il donne six mois à la justice espagnole pour lui transmettre les poches de sang. Depuis, pas de nouvelles.
Pour en savoir plus :
Autre récapitulatif de la relation entre Valverde, Puerto et le CONI (au cas où j'expliquerais mal :d)
Et le CONI dans tout cela ?
Le CONI(4), qui a fait suspendre son champion national Ivan Basso, est bien décidé à ne pas en rester là. En Janvier 2008, il annonce qu'il souhaite réentendre les coureurs espagnols suspectés d'être impliqué dans l'OP, Contador et Valverde en tête. Personne ne s'inquiète vraiment pour Alejandro, qui lui-même semble très serein. Un an passe, on croit l'affaire oublié. Mais là, coup de tonnerre : le 11 Février 2009, le CONI affirme détenir la preuve de l'implication d'Alejandro dans l'OP. Valverde est convoqué devant le CONI le 16, mais la rencontre est repoussé à la demande du murcian au 18, puis au 19. Les deux parties campent sur leur position : Alejandro clame son innocence et le CONI affirme détenir la fameuse preuve. L'organisme italien laisse deux semaines aux avocats de Valverde pour préparer sa défense, défense d'une vingtaine de pages qui est envoyé début mars et où il est expliqué que seul la RFEC est compétente pour juger l'espagnol. Un argument que le CONI ne prête pas attention, dénonçant "l'immobilisme espagnol" ; début avril, il annonce le renvoi d'Alejandro Valverde devant le tribunal du CONI, où il demandera deux ans de suspension pour le murcian. La date est fixée au 11 mai. L'UCI et l'AMA(4) annoncent qu'ils seront présents lors du jugement, du côté du CONI ; la RFEC annonce alors ensuite qu'elle sera présente du côté de Valverde, mais le CONI refuse. Le même jour, Alejandro attaque en justice le procureur anti-dopage du CONI, Ettore Torri, pour "désobéissance judiciaire" et "falsification de documents".
Pour en savoir plus :
Qui est Ettore Torri ?
Chronologie :
16 Janvier 2008 : Le CONI souhaite entendre les coureurs espagnols suspectés d'être impliqué dans l'OP.
11 Février 2009 : Le CONI affirme détenir la preuve de l'implication de Valverde dans l'OP.
19 Février 2009 : Rencontre entre le CONI et Valverde.
5 Mars 2009 : Les avocats de Valverde envoient leur défense au CONI.
1er avril 2009 : Le CONI annonce le renvoi de Valverde devant le tribunal de l'organisme italien, et demande 2 ans de suspension.
7 avril 2009 : La date du jugement est fixée au 11 mai.
6 mai 2009 : Valverde attaque en justice Ettore Torri, le procureur anti-dopage du CONI. D'autre part la RFEC demande à être présente le 11 mai mais le CONI refuse.
11 mai 2009 : Jugement d'Alejandro devant le Tribunal Anti-Dopage du CONI. L'UCI et l'AMA seront présents.
Alors, que risque Valverde ?
Théoriquement, si son implication est prouvée, Valverde risque deux ans de suspension. Mais, pour le moment, on n'y est pas encore. Pour Alejandro et ses avocats, seul la RFEC est compétente pour juger le murcian, car le CONI est un organisme italien qui n'a rien avoir avec Valverde.
En vérité, le coeur du problème réside dans les preuves que détiennent peut-être le CONI. Celui affirme avoir comparé l'ADN du murcian (qui avait subi un contrôle antidopage lors de l'étape du Prato Nevoso, en Italie, lors du dernier Tour de France) avec celui trouvé dans des poches de sang de l'OP, qui se sont alors révélées être celles d'Alejandro. Mais comment le CONI a-t-il pu se retrouver en possession des poches de sang de l'OP, sachant que celles-ci sont des pièces à conviction de l'affaire, et que par conséquent le CONI n'était pas autoriser à y disposer (et encore moins à les utiliser) sans l'accord du Tribunal supérieur de justice de Madrid (qui est censé les détenir) ?
Il existe aussi un autre problème : le CONI n'avait pas le droit d'utiliser l'ADN de Valverde sans demander au préalable sans autorisation.
Si preuves il y a, elles auraient donc été acquises de manière illégale et seraient donc non-utilisable juridiquement - ce que le CONI réfute : "les recherches et l'enquête ont été menées dans la régularité la plus absolue" a-t-il affirmé hier.
Il y a donc un imbroglio juridique qui pourrait profiter à Alejandro. Le CONI n'en était-il pas conscient au moment de se lancer ? Sans doute que si, mais il faut savoir que la prescription de l'affaire Puerto pourrait arriver fin mai ; si cela se confirme, c'est donc maintenant ou jamais pour quiconque veut la peau de Valverde....et visiblement, il y a du monde au balcon (CONI, UCI, AMA) !
Et pour la suite ?
Dans un premier temps, Valverde connaitra la décision du Tribunal Anti-Dopage du CONI, décision qui devrait être sauf surprise négative pour lui. A ce stade là, il pourrait être alors suspendu par son équipe, la Caisse d'Epargne, mais rien n'est moins sûr au vu de la complexité de cette affaire. De toute façon, si le jugement est négatif, Alejandro ne baissera sans doute pas les bras : il ira voir le TAS pour tenter de se faire innocenter.
Il faudra également suivre avec attention le procès qui se déroule en parallère, celui où Valverde est cette fois le plaignant et où l'accusé n'est autre que le procureur antidopage du CONI, Torri. L'issue de ce procès sera déterminante, puisque si Valverde gagne, cela reviendrait donc à dire qu'il y a bien eu "falsification de documents" du côté du CONI...et qu'il n'y a donc plus aucune preuve de l'implication de Valverde dans l'affaire Puerto !
(1) UCI = Union Cycliste Internationale
(2) RFEC = Fédération Espagnole de Cyclisme
(3) TAS = Tribunal Arbitral du Sport
(4) CONI = Comité Olympique Italien
(5) AMA = Agence Mondiale Anti-Dopage